Je crois bien avoir passé l’essentiel de ma vie de volutes en gorgées. Le tabac aura certes connu de longues périodes de sevrage de plusieurs années, mais le frais glissant dans la gorge, lui, aura été une constante, prêtant le flanc aux assimilations, voire essentialisations. L’un et l’autre seront entrés dans mon rassurant confort en même temps, alors que j’avais dix-sept ans, si je peux encore faire preuve d’acuité dans mon décompte. Jusqu’alors, je voyais mes amis boire en soirée, et je me disais que je n’en avais pas besoin, je savais être drôle sans. Puis d’un coup, c’est devenu nécessaire. Je ne sais plus ce qui s’est plié à ce moment, mais j’ai senti que je ne suffisais plus à l’effort social. Un chagrin d’amour ? Une peur de demain ? Ou de mon incapacité pressentie ? Toujours est-il que c’est dans cette adolescence tardive que j’ai scellé cette partie de ma personnalité. Oui, moi aussi ça me fait hausser les épaules, de dire ça : une partie de qui je suis mousse piteusement dans sa pinte.
C’est à peine plus tôt que je suis entré pour la première fois au Flash. Le bar-tabac typique, devant son nom à une marque de cigarettes oubliée, trônant à la sortie de la grande place de Pontoise. J’ai été instantanément, si ce n’est séduit, du moins intrigué par l’endroit. Sa moquette verte sur les murs de la salle du fond, gâtée par des heures de tabagisme intensif. Son mobilier sommaire, si classique des cafés d’alors. Vous voyez les belles tables de bar en bois qu’on trouve souvent dans les établissements parisiens ? Ici non, c’était le formica beigeasse qui régnait. Son comptoir en zinc, où les plus vieux passaient leurs fins de journées à rivaliser au 421 avec le patron. Quel patron ! Jacques. Avec son épouse Irène (un homme de goût, incontestablement). Et leur serveur, Yves. Je ne sais pas trop, ou du moins j’ai oublié, ce que ce petit monde faisait avant. Si, Yves avait œuvré au restaurant de la Tour Montparnasse. Mais c’est à peu près tout ce que ma mémoire m’accorde d’anecdotes. Ce petit monde faisait plus que flirter avec la soixantaine. Un dernier tour de piste avant la retraite. Et le moins qu’on puisse dire est qu’ils auront largement profité de mon impériale présence avant de partir en jouir dignement.
D’emblée, je me suis retrouvé pratiquement tout le temps dans ce bar. Entre les cours. Dès la fin des cours. Voire pendant les cours. Même le samedi, j’y revenais passer tout l’après-midi. Quelques cuites à mon actif, bien sûr, mais là n’était pas le fin mot. C’était simplement y être. En être. C’est d’ailleurs là que je me rendais, lorsque j’ai eu mon accident, à 18 ans. J’ai omis de vous en parler ? Un samedi midi. Levé tard. Pas très motivé pour partir tôt au Flash. Mais un ami rencontré là-bas m’appelle et me propose de le rejoindre. Alors je me mets en route. Mais je perds du temps à m’éclater le pied contre la petite table de jeu de ma sœur. Alors je rate le bus. Plutôt que d’attendre 30 minutes dehors, je préfère rentrer chez moi, patienter un peu. Quand je redescends finalement, casque de walkman sur les oreilles, je suis pris par la musique, écoutant Like Suicide de Soundgarden (je vous assure que c’est un parfait hasard qui ne signifie rien). Je vois le bus arriver à l’horizon, alors je traverse nonchalamment pour rejoindre l’arrêt. Sans prêter attention à la voiture qui arrive à ma gauche. J’ai juste l’image de son parebrise sous ma tête (je l’ai brisé, j’ai la tête dure). J’apprendrai plus tard que j’ai fait un vol plané de près de 7 mètres. Au même moment, des amis voisins partaient avec leurs parents en weekend. Ils ont oublié une bricole chez eux donc ont dû faire demi-tour, avant de repartir. C’est uniquement alors qu’ils ont vu le camion des pompiers, et surtout qu’ils ont distingué mon bouc (oui, j’étais un ado à tendance grunge taillé pour le célibat de longue durée) qui dépassait de la coque de protection dans laquelle on m’avait installé. Alors ils m’ont reconnu, et prévenu ma mère à la place des secours. Je n’ai jamais autant eu l’impression d’être imbriqué dans une vaste horloge. Invraisemblable que je ne sois pas devenu croyant à ce moment-là. Pour la blague, cet accident qui m’a laissé incroyablement miraculé, m’a rapporté des indemnités qui m’ont permis de payer mon permis de conduire, puis une petite Peugeot 205 d’occasion. Avec laquelle six mois plus tard j’ai fait une belle série de tonneaux dans un champs. Disons que la bonne nouvelle pour mes contemporains est que c’est à peu près à ce moment que j’ai décidé d’abandonner le volant (en fait, j’ai eu l’occasion d’avoir un autre accident deux jours plus tard, mais on ne va pas chipoter). J’ignore s’il en va des humains comme des chats, mais je crois que je devrais surveiller avec suspicion mon quota de vies restantes.
Mais revenons-en au Flash. C’est d’abord la salle du fond que j’ai investi. Là où pérorait la jeunesse. Les copains, ceux qui allaient le devenir par contagion, moi. Combien de journées à jouer aux cartes ? A ramener une guitare ou deux pour se faire plaisir et constater que le mythe du chanteur-tombeur était plus que surfait ? Mais surtout disserter. Philosopher. Raconter. Voire simplement conter. Peupler le monde de commentaires et de légendes. Enchaîner paraboles dépressives et aveux désarmants. Graver nos amitiés dans les murs en somme. Se construire aussi en tant qu’usine prolifique à parole. Mais je ne suis pas resté au fond. J’ai aussi abondamment fréquenté le zinc. Me nourrir de la faune. Les vieux qui tuent le temps avant qu’il ne leur rende la pareille. Les VRP avinés qui déballent à qui veut l’entendre comment ils ont pu culbuter la femme de ménage dans le dos de leur épouse. Les profs de philo inquiets. Les hard-rockeurs au grand cœur un peu paumés. Les loulous de quartiers en pause de magouilles. Les manouches qui, lorsqu’ils font affaire avec toi, sortent un fusil à pompe du coffre avant l’objet de la transaction (devant trois gamins. Après, je suis un peu nul en autorité, si ça se trouve c’est une méthode de bombage de torse validée et certifiée depuis des siècles). Les jeunes hommes isolés et timides, prêts à éclater si une femme leur sourit. Sans oublier Chaoui, l’ouvrier marocain un peu parti, qui débarque en fin de journée en braillant la Bamba (techniquement, sa connaissance de la chanson n’allait pas au-delà de « bailailailai la Bamba ! »). Bien sûr, je sais bien que ce surnom ne venait pas de lui, et que j’avais affaire à une France raciste des années 80-90. Je peux juste témoigner qu’au-delà de ça, il n’y avait nulle malveillance. Paradoxe de l’époque. Des heures ainsi accoudé. A écouter. Sourire. Répondre brièvement. Assimiler. Toute une école du monde, oscillant entre désapprobation et émerveillement. C’est surtout une forme d’acceptation des autres, de bienveillance, qui s’est forgée ici. Et qui m’était rendue. J’étais accepté sur ce zinc. On m’y a proposé du boulot, offert des verres, raconté sa vie. Tout ça sous l’œil attentif et chaleureux de Jacques et Yves. Ils me mettaient en garde contre la tentation du moindre effort, contre celle des excès. Déjà à cette époque, j’étais bien conscient que je les laissais prendre place dans ma vie à une heure où j’étais plus détaché que jamais de mon propre père. Des figures tutélaires perdues entre les tournées.
Je me souviens également d’une soirée, à cette époque. On sortait souvent. Un soir, un gamin à peine plus vieux que moi a essayé de stage-diver depuis un balcon. Damien. Personne ne l’a rattrapé, ou pas suffisamment de monde en tout cas. Quelques minutes plus tard, il était là, le visage en sang, mais surtout en larmes. Pas à cause de sa cabriole malheureuse. Mais parce qu’il réalisait qu’à même pas dix-huit ans, il ne pouvait plus se passer d’alcool. Dévastatrice impuissance. Mine de rien, cette image m’a marqué jusqu’à aujourd’hui, me faisant me méfier de toute potentielle accoutumance. Globalement avec succès. Dans la mesure où je constate régulièrement que je ne souffre d’aucun effet de manque. Pour autant, à peu près n’importe quel toubib me fera rentrer sans forcer dans la case des alcooliques chroniques. Pas tant pour la constance que pour les descentes homériques que je m’inflige quand l’occasion se présente (oui, les occasions, ça se force…).
Ces dernières années, pourtant, je n’ai jamais cherché à intégrer le paysage d’un bar. D’autres équilibres me réclamaient. Et sans doute ai-je espéré me conformer à une certaine image somme toute classique du trentenaire bien sous tous rapports. Qui ne m’a jamais vraiment ressemblé, mais bon, on croit le monde et la télé, je présume. Jusqu’au départ de L. C’était peut-être mon premier réflexe alors, me fondre dans le comptoir de la Cave Café. Ça aura duré quelques mois. Jusqu’à ce que mon barman favori parte, en somme. Mais plus étonnant est mon rapport à Isadora. C’est le bar qu’a ouvert Jean-Gui, que j’avais rencontré alors qu’il faisait des extras à la Cave. Un lieu totalement opposé à mes aspirations habituelles. Tout en longueur, tamisé, sombre, aux allures de boudoir. Quelques nightclubs dans les parages, alors hommes et femmes viennent le plus souvent apprêtés. Rejoignant leur vision de la séduction. Le lieu s’y prête. Je devrais faire tache, dès lors, ne cherchant que rarement à me présenter à mon avantage. Mais ça passe. Posé au comptoir ou près d’un cendrier, je ne fais pas plus d’effet qu’un bouton opportun. Vaguement malvenu, mais pas alarmant. L’endroit doit énormément à Jean-Gui, conteur corse hors-pair, volontiers hilarant, et te rappelant toujours que toi, tu es spécifiquement le bienvenu. Un ami, à force, vous pensez bien. Je l’ai immédiatement apprécié. Peut-être en est-il de même pour lui. Impossible pour moi de comprendre pourquoi les gens me trouvent spontanément sympathique, même si je vois bien que c’est souvent le cas. Ce serait pas mal que je creuse la question, ça me permettrait sans doute d’éviter quelques désillusions amoureuses également. Contre toute attente, l’endroit est devenu un de mes favoris. Où les soirées peuvent être des plus étonnantes. Y disserter avec d’improbables gens de passage. M’y faire pousser à la drague pataude, sans réel succès. Un endroit où je suis neuf. Rien n’existe en dehors. Les bons soirs, je peux même m’y montrer d’excellente compagnie. Ce n’est évidemment pas si courant, du moins pas autant que j’aimerais l’espérer. Emerge alors un abandon approprié. Loin de chez moi. Loin des aimés. Finalement loin de moi-même. Ce qui me convient, quand les heures sont propices. Même la musique ne m’y heurte pas dès lors. Je fais corps, sans réserve. Inadéquat, mais de bonne volonté. Un refuge ponctuel bienvenu, ces derniers mois. Quand on a besoin d’un non-soi.
Mais j’ai mon nouveau fief, ici, dans mon quartier. J’en ai déjà parlé. La Barenthèse. Mon bout de rue. C’est le point de convergence de beaucoup de gens qui comptent, en fait. Pagaille, bien sûr. Il est si facile de s’y retrouver le temps d’un verre, quand la flemme lui interdit les cent mètres jusque chez moi. Il n’y a rien à forcer, pour autant, j’aime retrouver ce lieu familier. Mais c’est évidemment, aussi, le point de chute favori de Serena. Il lui arrive souvent d’y prendre un verre, quand l’humeur s’y prête et que ses pas en croisent la terrasse. Pagaille s’en veut, d’ailleurs, de m’avoir trainé jusqu’ici ce soir de coupe du monde. Il n’y a pourtant pas de regrets à avoir. Mais ce n’est pas simple à expliquer. Serena, elle, s’inquiète de me voir prendre ma place ici. Elle voit la zone de conflit potentielle dans ce qui devrait être son havre d’apaisement. Elle y fait sa vie, ou plutôt la continue. Je ne prétendrais pas dans ces lignes que c’est anodin, mais c’est vraiment parce que c’est l’espace où tout amour propre m’a abandonné. La situation m’affecte de toute évidence plus que je ne saurais le lui admettre. Mais. Mais…. Le fait est que, s’il n’est plus question de sérénité aujourd’hui, j’ai glissé dans un autre monde. Un monde où je peux très bien n’exister pour elle que si elle en a besoin. Ou envie, pour le moins. Je suis là où il me convient d’être décors. Ici, à la Barenthèse, je suis une greffe qui ne prend pas. Je parais pièce rapportée, aux côtés des vieillards éminents, des punks à chiens sans chien, des piliers perdus, des habitués pétrifiés. Je ne suis pas rejeté. Loin de là. Mais aujourd’hui je suis une marche à côté. Toujours bienveillant, mais pas totalement là. Juste bercé par le brouhaha. Curieusement apaisant.
Récemment, j’ai eu l’occasion de discuter un peu avec une connaissance d’ici. Un garçon probablement un peu plus jeune que moi. Me voyant prendre des notes, il m’a expliqué avoir un projet d’écriture. Un livre de science-fiction. Documenté. Personnages déjà créés. Un éditeur déjà trouvé. Des illustrateurs, webmasters, que sais-je. Et pas une ligne d’écrite. Il le sait, il n’y a plus qu’à. Juste commencer. Mais il va retourner au bar. Comme tous les soirs. Parce que s’il s’affaire ailleurs, il manquera peut-être le moment où le monde bascule. Où le sort pourrait se montrer décisif. Alors être amarré au comptoir, où la vie est plus prometteuse que partout ailleurs. Et c’est vrai : elle l’est, à cet endroit. Les gens se divulguent. Les vérités sortent. Les débats réels naissent et s’accomplissent. Les liens se tissent et rompent. Comme nulle part ailleurs. C’est vrai. Sauf qu’on ne s’y révèlera pas. Peut-être est-ce l’apogée de ce qu’on peut attendre. Mais c’est sans doute pour ça que je suis décalé. Je suis déjà en train de m’effondrer. Autant voir où se situe le sol. Le dur. Me suspendre au comptoir n’aurait pas de sens, en pleine chute. A quoi se hisser sinon ?
Mais la Barenthèse, c’est aussi ce café en angle, avec ses terrasses ouvertes, ses baies vitrées vulnérables, devant lesquelles les éboueurs sur leur camion ouvrent les mêmes yeux que des enfants devant les galeries des grands boulevards en période de Noël. Un carrefour aéré. Il y a deux nuits de ça, l’idée a commencé à me travailler, alors que je venais de me coucher. Fusillade. Et si Serena y était agrippée au zinc, comme elle en a l’habitude ? Je pouvais fermer les yeux, secouer la tête, je la voyais pourtant voler sous l’impact. La balle perdue. Même le bruit me revenait en tête alors. Je peux prétendre ce que je veux, le fait est que je voyais distinctement son visage à moitié arraché. Quand enfin j’ai trouvé le sommeil, les cauchemars poursuivaient sur cette lancée. Et moi impuissant à la sauver. Loin. Inutile. Il y a très longtemps que je ne me suis pas souvenu d’un tel rêve. Peut-être faudra-t-il à un moment que je lève le nez de mon verre pour voir les choses en face. Toutes les choses. Que j’ai peur. Que j’ai aimé des femmes qui ne m’ont pas aimé. Que je n’ai aucune idée de vers quoi je me dirige. Et que je suis incapable de faire preuve de courage face à la moindre de ces situations. Sauf à m’arrimer au comptoir à mon tour. Je ne suis pas à une contradiction près.
Oh let the damn day break
Rainy days always make me sad
Miley Cyrus floats in a swimming pool in Taluca Lake
And you’re the best girl I ever had
Can’t remember anything at all
Ce soir j’ai un peu picolé, du coup j’ai beau chercher un truc intelligent à écrire. Je voulais juste dire que l’idée de survéiller dorénavant ton quota de vies n’est pas si mauvaise que ça 😀
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Visiblement on a des activités similaires, chacun sur notre bout de monde 🙂
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Beau récit d’ambiance… On s’y croirait ! 😉
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Merci beaucoup ! Pour la petite histoire, je me suis aidé ce coup-ci en écrivant l’intégralité du billet depuis mon bar de quartier. Au risque que la fin soit illisible. Je ne suis pas sûr de tout comprendre à la relecture 😉
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Pour la petite histoire, j’ai changé le titre du post à la dernière minute, pour pouvoir placer Elliott Smith dans la playlist. Il m’est apparu après coup que je n’avais pas à me justifier et que j’aurais pu y mettre ce morceau légitimement même sans le citer dans le texte. Le vrai titre était donc « Contoirs ». Je ne le changerai pas ici pour ne pas foutre le bordel sur le site. Mais en cas de migration ou d’édition, ne soyez pas surpris s’il apparaît sous un autre nom.
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Elliot smith… j’adore, découvert dans une BO je crois celle de childhood titre non garanti), ce doc-fiction incroyablement beau, tourné avec les mêmes acteurs sur plusieurs années… bref. Sa vie n’a pas été aussi douce que ses mélodies…
Côté bars, Je suis retourné 2 ou 3 fois à la Belle équipe suite à mon passage sur certains sites endeuillés quelques jours après la terrible soirée, poussé par je ne sais quel sentiment, il le fallait, je le voulais, point. je voulais partiper modestement au devoir de mémoire, casser la distance de l’ecran Des infos tv.
il y a une boutique de bd géniale à côté de la BE, j’en achéte quelques unes et je m’assoit là où tant sont tombés et dont j’ai lu les portraits grâce au travail du Monde. Ça ne me coûte rien évidemment puisque je n’y étais pas mais ça a eu un aspect apaisant paradoxalement…
Et puis , comme je suis incapable d’adresser la parole aux clients et clientes, tu sais ces femmes qu’on aime et qui ne m’ont pas aimé ni même remarqué, et pour cause., alors je regarde seulement les gens, la serveuse, les gens, le patron , le turnover des clients, ces vies qui en remplacent d’autres et dont j’imagine les details,
Et puis jusqu’au moment où la solitude me pèse, où je pense m’être fait assez de films, et je pars.
Mais en tout cas ton « between bars » donne envie de recommencer bientôt.
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Ah oui il va vraiment être temps de prendre un verre.
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Belle époque.
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